Ruhksana

S'émanciper grâce à l'artisanat équitable

Bawana, une banlieue nouvelle formée par les habitants d’un bidonville démoli

Bawana est un quartier de l’extrême nord-ouest de Delhi, dans une région hérissée de poteaux électriques, dernier recoin de campagne à la frontière de l’Haryana rural, sur le point d’être dévoré par la ville. L’ambiance y est encore quelque peu insalubre, avec quelques maisons en bois et en tôle, ainsi qu’un dépotoir proche, foyer de mouches et autres infections.

Pourtant, ses habitants essayent de surmonter ces difficultés, en veillant à y vivre dignement. Bawana est après tout une banlieue relativement nouvelle, formée après la démolition de bidonvilles de Delhi, lors d’un projet « sanitaire » en amont des Jeux du Commonwealth, en 2010.

Expulsés, ses habitants ont dû migrer bien loin, vers des terres offertes par le gouvernement : 16 mètres carrés par famille. Du fait de l’éloignement cependant, grand nombre d’adultes ont perdu leurs emplois urbains, en tant qu’ouvriers d’usines ou conducteurs de touk-touks.

Presque 10 ans plus tard, Bawana peine à grandir. Quelques fabriques commencent à être construites à l’horizon, attirées par le salaire minimal moins élevé de l’Haryana, mais les projets immobiliers peinent à se remplir à cause de l’insalubrité de cette zone périphérique.

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Ruhksana, une migrante à la forte personnalité

Ruhksana fait partie de ces habitants déplacés à la frontière de Delhi. Son nom, qui évoque celui de la mythique épouse persane d’Alexandre le Grand, trahit ses origines Afghanes, à l’instar de beaucoup de migrants du Bihar. Dans Bawana, elle cohabite avec une communauté de migrants musulmans de divers États de l’Inde, tels que le Bihar, l’Uttar Pradesh et le Bengale.

Mariée à 13 ans, elle a grandi dans un village musulman conservateur où il lui était interdit de sortir de chez elle. Très vite, elle a quitté ces conditions de vie difficile pour s’installer à Delhi. Afin d’aider son mari, elle a commencé à travailler en tant qu’artisane dans le commerce conventionnel, mais elle supportait mal les demandes excessives et le salaire dérisoire. C’est grâce au bouche à oreille qu’elle a entendu parler du Commerce équitable.

C’est pourquoi, en 2007, lors d’une visite de TARA Projects dans son ancien bidonville, elle s’est approchée du Professeur Shyam S. Sharma, fondateur de l’association, afin de lui demander de l’assistance pour former son atelier d’artisanes.

Impressionné par l’énergie et la personnalité de Ruhksana, celui-ci lui donna l’aide logistique pour former son atelier.

L’artisanat équitable, un outil pour vivre dignement

Les nouvelles ressources économiques ont changé la vie de Ruhksana, qui peut désormais sortir de chez elle et a son mot à dire dans la communauté. Avec sa communauté de 200 personnes, elle cotise à un système de micro-finance (le Self Help Group, très répandu en Inde), qui accorde des petits prêts qui lui ont permis de financer l’éducation de ses enfants, mais aussi des cours d’alphabétisation, des formations à l’artisanat et des ateliers d’arts martiaux pour femmes.

Mère de 6 enfants, elle parvient désormais à financer leur éducation, notamment celle de sa fille qui débute une carrière d’infirmière.

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En tant que migrants musulmans, Ruhksana et sa communauté ont d’abord subi diverses formes de discrimination structurelle : difficulté pour trouver un travail et un logement, méfiance des voisins … Cependant, l’artisanat produit leur a permis d’avoir une identité dans le quartier et d’être reconnus comme des membres productifs de leur communauté.

Avec une demande toujours croissante de travail, le projet de Ruhksana dépend cependant de la régularité et du volume des commandes. Une difficulté qu’elle espère surmonter en publicisant le plus possible son travail.

Manuel-Antonio Monteagudo

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